Observer notre monde, comprendre les relations qui existent en son sein, nous permet d'entrevoir l'intelligence des règles qui régissent son fonctionnement.
Un observateur attentif des phénomènes de ce monde peut voir dans toute organisation, dans le vivant comme dans la société, une succession de constructions et de destructions. Il peut voir qu'il ne subsite que ce qui apporte un plus au monde en terme de stabilité. Les structures stables tendent à se perenniser si elles apportent un plus au tout. Le chaos est générateur de création et d'évolution, jusqu'à ce que les élements se stabilisent et se mettent en ordre selon leur nature. Mais cet ordre est vite détruit dans un nouveau chaos qui permet aux éléments d'établir de nouvelles combinaisons. Le monde semble évoluer dans une direction, entre ordre et chaos. Il semble avoir un but. Quel est ce but?
L'homme est apparu dans ce monde suite à un long processus d'évolution, et il continue d'évoluer. Ce qui le caractérise le plus est sa capacité à imaginer, conceptualiser, raisonner, créer une culture, se faire lui-même.
Son action et son comportement découlent en grande partie de cette capacité.
Cette singularité de la nature de l'homme fait aussi la singularité de son action sur le monde. Il est issu d'un monde qu'il a le pouvoir de modifier dans une mesure extraordinaire. Il peut modifier des paysages, éteindre des espèces, les modifier, créer des choses qui n'existent pas dans le monde naturel... L'intellect et l'imagination de l'homme lui permettent d'agir de manière extrêmement puissante sur le monde, de créer son monde et d'évoluer au sein de ce monde créé.
Le pouvoir de l'homme sur le monde soulève des questions ethiques. Comment conduire son action de façon juste et saine? Faut-il conduire sa création dans la mesure où celle-ci vient constituer le monde culturel dans laquel nous évoluons, ce monde qui lui-même nous conditionne? Si nous sommes devenus auteurs de notre propre évolution, n'est-il pas nécessaire de réfléchir au sens qu'on veut lui donner? Mon action sur le monde n'a-t-elle pour limite que ce que j'ai le pouvoir de faire techniquement? Ou bien dois-je renoncer à certaines actions? L'immense pouvoir que me donne mon intellect et mon imagination ne necessite-t-il pas que je me fixe des limites? La necessité et les lois du monde naturel ne sont-elles pas devenues trop lentes par rapport à notre évolution pour nous indiquer le chemin qui ne nous met pas en péril? Notre intellect qui nous pare des moyens d'agir sur le monde, nous permet aussi d'anticiper les conséquences de nos actions sur l'évolution du monde. Ne serait-il pas judicieux d'accompagner notre action d'une dimension prospective? Peut-on évoluer sans tenir compte du monde naturel?
Dois-je me fixer des limites? Comment puis-je fixer ces limites?
Nous venons de la nature, nous avons créé la culture. Nous évoluons dans un monde culturel de plus en plus détaché du monde naturel. Nous ne voyons pas le monde tel qu'il est, mais tel que notre conception du monde nous permet de le voir. Cette conception est issue de tout ce qui fonde l'homme tel qu'il est aujourd'hui, tel qu'il s'est fait lui même dans une lutte pour s'affranchir des contingences naturelles. L'homme actuel est comme cet adolescent qui tourne le dos à sa mère nature et son père spirituel pour un temps se construire lui. Mais un jour il voit qu'il s'est construit dans l'opposition et retourne voir ses parents pour découvir qui il est vraiment, d'où il vient. La culture ne doit-elle pas être dans l'idéal, un éloignement, un détachement par rapport à sa propre origine, y compris son origine culturelle. L'homme libre, responsable et créatif est ce danseur de corde qui oscille entre culture et nature, entre ordre et chaos et entre animal et surhomme, et qui se délecte de ses pertes déquilibre pour donner de l'esthetique à ses gestes.
Nous venons de la nature, nous sommes issus de son incroyable intelligence et de son incroyable complexité. La seule étude du corps humain par exemple, nous appelle à la plus grande humilité. L'observation de l'évolution du monde vivant, de l'évolution des écosysèmes, des relations entre les parties d'un tout, semble nous indiquer une direction: celle de l'harmonie d'un grand tout.
L'harmonie peut se définir comme une présence et une expression simultanée d'éléments individuels qui ensemble forment une totalité qui dépasse en puissance et en esthetique, les éléments pris uns à uns. Chaque individualité a sa place avec sa singularité dans ce grand tout et vient l'enrichir.
Comment renouer avec ce qui nous fonde? Une culture de soi à la lumière d'une culture de la nature. Vers des comportements éclairés, vers une ethique reconstruite d'un nouvel homme qui comprend la complexité du monde et sait agir pour que chaque partie y trouve sa place dans l'interêt de tous. Une réconciliation éclairée de l'individuel et du collectif, de l'individuel et du planétaire, de l'individuel et de l'universel.
Une existence libre, responsable, créative et puissante où chacun rayonne autour de lui pour ce qu'il est, et où chacun donne et aide les êtres qui l'entoure à rayonner à leur tour pour un objectif commun: vivre ensemble avec nos différences perçues comme des richesses pour le meilleur dans un environnement engageant et porteur.